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Team Works réinvente la croisière ferroviaire


Prenez une voiture-restaurant déclassée, faites-la réparer et requalifier, soignez particulièrement la décoration intérieure, proposez un menu gastronomique, appelez-la « Le Salon Bleu » et organisez des croisières d'une journée ou d'une soirée en Suisse ou dans la vallée du Rhin : les clients afflueront. C'est le pari tenté et gagné par une jeune et ambitieuse société franco-allemande : Team Works.
Redonner le goût du voyage sur le rail : tel est le pari de Team Works, la jeune société franco-allemande fondée par le Mulhousien René Bubendorf, qui vient de mettre sa première voiture-restaurant en circulation. Onze ans après son grand voyage organisé à bord du Nostalgie Orient-Express, à travers l'Europe, la Chine et le japon, cet expert en marketing et en rénovation de matériel ferroviaire s'oriente vers la croisière ferroviaire de courte durée : le salon Bleu proposera tout au long de cette année des voyages d'une journée ou d'une soirée en Suisse ou dans la vallée du Rhin. L'offre, calibrée pour des groupes de quarante-huit personnes, comprend un repas gastronomique à bord, pour un prix forfaitaire oscillant entre 400 et 600 francs.
"Si le public est réceptif à notre produit, nous rénoverons dans deux ans un train complet de cinq voitures", prévoit René Bubendorf, qui parie sur la rentabilité du projet à partir de cent jours de circulation par an. Pour renforcer l'assise financière de l'entreprise, il s'apprête à ouvrir son capital à une banque régionale. " Un actionnariat solide facilitera les futurs investissement ", affirme le dirigeant, qui compte acquérir les quatre futures voitures à restaurer soit auprès de la DB, soit auprès de la SNCF " Peu importe le pays d'origine du matériel. Ce qui compte, c'est son immatriculation comme voiture-restaurant, car la requalification d'une rame voyageurs entraînerait des complications administratives ", prévient René Bubendorf. L'opération a démarré début 1999 sur un coup de chance: averti par le Eisenbahnkurier, magazine spécialisé allemand, de l'imminence de la vente aux enchères d'une voiture restaurant par la Deutsche Bahn, René Bubendorf rassemble 600 000 francs et s'en porte acquéreur. La voiture, construite dans les années soixante-dix et affectée aux trains intercity a atteint l'âge de la grande révision. La DB a décidé de la déclasser " par erreur suite à une mésentente entre les services techniques et les commerciaux ", croit savoir son nouveau propriétaire.
Team Works l'adresse à la Badische Wagonreparatur, un atelier ferroviaire indépendant, agréé UIC et implanté dans la petite ville allemande de Rastatt, pour assurer la révision sous châssis. Les réparations sont réalisées à l'aide de pièces fournies en échange standard par la DB : les roues sont retournées à l'atelier directeur de Darmstadt, les organes de choc, le système de freinage et tous les éléments des bogies sont révisés sur place. Après, si besoin, un contrôle aux ultrasons et
une magnétoscopie. Les seules interventions sur les bogies mobilisent 250 000 francs en pièces et en main-d'oeuvre.
Team Works obtient son référencement auprès des services techniques et commerciaux de la Deutsche Bahn.
La jeune société parvient même à négocier des facilités de paiement auprès du transporteur allemand.
La décoration intérieure de la voiture, qui marie le laiton et la marqueterie dans le style Art Déco, est confiée à des artisans de la région et de Belgique. Pour restituer une ambiance feutrée à bord, René Bubendorf se met en quête du métier à tisser qui servit à équiper l'Orient Express. Il finit par le dénicher en Ecosse, dans les collections d'un passionné de vieux matériel ferroviaire, et convainc son propriétaire de remettre l'installation en marche pour lui fournir 500 mètres d'un lourd velours imprimé. Après sept mois de travaux et pour 2 millions de francs, Team Works s'est offert un matériel alliant la technique moderne (climatisation, double vitrage, freins électromagnétiques) à la chaleur de décors d'antan.
Restait à faire circuler le salon Bleu pour satisfaire les premiers clients, groupes familiaux et entreprises, prêts à amorcer un chiffre d'affaires estimé cette année à deux millions de francs.

" J'ai connu les pires difficultés avec la SNCF ", se plaint René Bubendorf. " Les Français me considèrent comme un client fret et me font payer en conséquence. La voiture pèse plus de 50 tonnes! Face aux 5 000 francs demandés ici pour un Belfort-Bâle, les Chemins de Fer Fédéraux me facturent modestement 138 francs par personne pour un circuit de 380 kilomètres sur leur réseau ". Soit des frais kilométriques divisés par trois, avec la garantie d'accéder toujours dans les gares de voyageurs et non dans les terminaux de fret. L'inauguration du salon Bleu, prévue en décembre au musée du Chemin de fer à Mulhouse, s'est heurtée à des difficultés d'accueil et d'acheminement depuis la gare allemande de Fribourg, où Team Works a choisi de stationner son matériel. " On me demandait encore une fois 5 000 francs ", se plaint René Bubendorf, qui s'est finalement tourné vers la gare de Bâle, où les CFF l'ont accueilli gratuitement, gagnant ainsi la préférence de l'organisateur face à une SNCF jugée " administrative et rigide ". Poussée par les élus alsaciens, la direction régionale de la SNCF promet d'étudier à nouveau la demande de René Bubendorf courant janvier. Trop tard : les premières croisières organisées en décembre ont circulé entre Bâle, Zurich et Berne. Equipé des mêmes bogies, organes de choc et systèmes de freinage que les voitures Intercity allemandes, le salon Bleu s'attelle en voiture de queue à tous les types de matériel circulant sur les grandes lignes des CFF. En janvier et février, les week-ends et pour la Saint Valentin, plusieurs croisières pittoresques sont prévues entre Bâle et Interlaken. Le programme se poursuivra en Allemagne, de la vallée du Rhin jusqu'au Nord du pays.
La commercialisation des croisières s'effectue pour l'instant en exclusivité via les agences de voyages du transporteur suisse. " La clientèle afflue par le simple jeu du bouche-à-oreille ", se réjouit René Bubendorl, qui cherche à mettre sur pied un partenariat avec des tour-opérateurs français. Team Works prévoit déjà de moduler son offre en fonction des désirs du client : des chefs de restaurants gastronomiques français remplaceront, à la demande, la Schweizerische Speisewagen Gesellschalt (SSG) qui assure actuellement les prestations.
" Un grand nom en cuisine justifierait une hausse de nos tarifs et de nos marges ", assure René Bubendorf, qui promet par ailleurs une grande souplesse dans l'établissement des itinéraires. Sur demande quatre jours à l'avance, le salon Bleu pourrait lui circuler sur n'importe quelle ligne des réseaux suisse et allemand.
En attendant la France, avec un modeste Bâle-Strasbourg et un plus ambitieux Bale-Paris, que l'entrepreneur espère inscrire à son catalogue.

Olivier MIRGUET LVDR du 19-01-00

DONNÉES TECHNIQUES
Type : 218.0

Bogies : Minden Deutz 36

Vitesse maxi : 200 km/h

Longueur hors tout : 27,50 mètres

Poids : 50,5 tonnes