Tunnel du Mont Blanc. Les polémiques repartent tous azimuts.

 

De nouvelles mises en examen toujours différées, un rapport d'experts à charge, des pompiers en colère, des travaux sous pression: le gestionnaire du tunnel du Mont-Blanc croule sous les problèmes, y compris ceux liés aux affaires politico-financières qui secouent le pouvoir politique...
D'après certaines sources, la mise en examen des dirigeants du tunnel du Mont-Blanc serait sur le point d'intervenir, plus d'un an et demi après la catastrophe dans laquelle 39 personnes ont péri. Cette décision de justice n'est pas seulement réclamée par l'association des familles de victimes, qui tenait sa deuxième assemblée générale à Chamonix fin septembre et qui ne se satisfait pas de la seule mise en examen du chauffeur du camion à l'origine de l'incendie. Elle l'est aussi par tout un mouvement associatif et une vallée de Chamonix effarés, sinon dégoûtés, par l'apparente intouchabilité des responsables. Car malgré la série de révélations pointant d'incroyables carences - aucun exercice d'évacuation organisé depuis dix ans, absence d'investissements dans la sécurité, mise en garde vaine et répétée des secours- aucun dirigeant du tunnel n'a démissionné après la tragédie. Fin septembre, une nouvelle polémique a encore alourdi l'atmosphère. Publié par le Dauphiné libéré, un rapport d'experts montrerait que le 24 mars 1999, le gestionnaire du tunnel aurait laissé passer neuf minutes entre l'alerte au feu et l'interruption de la circulation vers le foyer.La Société des autoroutes et tunnel du Mont-Blanc (ATMB) a démenti en niant l'existence de relevé informatique mis en avant par le journal. Reste que le malaise est renforcé par l'impression, que les morts n'ont rien changé. Et que toutes les leçons n'ont pas été tirées, ni par l'équipe toujours en place et qui, vu la pression qui pèse sur elle, manque forcément de sérénité, ni par les pouvoirs publics. Une société unissant les co exploitants français et italiens du tunnel a bien été créée. Mais cette réforme ne semble pas suffire: les pompiers de Chamonix dénoncent toujours les carences du plan de secours mis au point pour la durée des travaux qui concentreront jusqu'à 1200 ouvriers dans l'ouvrage. Seuls moyens pour eux de se faire entendre: ils ont prévu, le 14 octobre, de rendre au préfet la fourragère dont les avait décoré le ministre de l'Intérieur pour leur intervention lors du drame. Pour couronner le tout, le 22 septembre, deux ouvriers travaillant dans une gaine d'aération se sont évanouis pour des raisons inconnues cet étrange mal avait déjà frappé au moins trois personnes nettoyant le tunnel en 1999. La façon dont l'Etat semble protéger la direction de l'ATMB ne laisse pas d'étonner les associations. Le 13 octobre à Chamonix, l'Association pour le respect du site du Mont-Blanc, rejointe par l'avocat de Greenpeace, doit faire le point sur sa stratégie judiciaire pour empêcher la réouverture du tunnel. Le tunnel du Mont-Blanc, qui a toujours été une sinécure de la République, est-il une boîte de Pandore qui renferme des secrets d'Etat ? On peut se poser la question. En tous cas, pour Rémi Chardon, le président de l'ATMB, la situation risque d'être de moins en moins tenable, notamment en raison du récent tour pris par les affaires politico-judiciaires en France. Rappelons que cet ancien directeur de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris a, à ce titre, été mis en examen en novembre dernier pour prise illégale d'intérêt. Et son rôle serait évoqué, d'après le Canard enchaîné du 4 octobre, dans la fameuse cassette vidéo où Jean-Claude Méry détaille ce qui serait un réseau de financement occulte du RPR.
Depuis l'incendie, le tunnel du Mont-Blanc ressemble de plus en plus à une machine infernale risquant d'échapper aux politiques qui l'ont longtemps contrôlée, pour le meilleur et pour le pire. En tous cas, elle n'obéit plus à leur desiderata. En décembre dernier, Jean-Claude Gayssot, le ministre des Transports, promettait " une réouverture du tunnel à l'automne 2000" Nous y sommes et comme on le voit, la boue du chantier n'en finit pas d'être remuée.

Marc FRESSOZ LVDR du 11-04-00